Association La Joie de Vivre

Handel, Händel ou Haendel ?

par Élisabeth Drouin

Quel fabuleux destin pour ce grand parmi les grands compositeurs, qui nous a donné, parmi tant d’œuvres de musique baroque  plus fameuses les unes que les autres (Water Music, Fireworks Music, 40 opéras, 32 oratorios, concertos pour orgue etc..) ce chef-d’œuvre qu’est l’admirable « MESSIE » !
Quelle trajectoire que celle de Georg Friedrich HAENDEL, qui le vit naître dans la petite ville de Halle en Saxe d’un père barbier-chirurgien, mais dont le tombeau se trouve dans l’abbaye de Westminster, nécropole royale, au côté de celui des plus illustres personnages.
Jeunesse
Il voit le jour le 23 février 1685, est baptisé de confession luthérienne, et sujet du margrave électeur de Brandebourg, Frédéric III, le futur roi de Prusse Frédéric Ier.
Il doit faire preuve d’obstination pour se consacrer à la musique, car rien dans la famille ne le destinait à la musique : grand-père chaudronnier, père apprenti chez un chirurgien-barbier dont il épousa la veuve au décès de celui-ci et qui lui donnera six enfants, Händel sera le fruit d’un second mariage avec une fille de pasteur, Dorothea Taust.
Sa mère se montre sensible à ses dons, mais son père, désireux de poursuivre l’ascension sociale de la famille, veut en faire un juriste et lui interdit de toucher à un instrument. Le petit Händel jouera en cachette.
Il faudra que le duc Adolf de Saxe Weissenfels, ancien maître du père, remarque les dons du jeune Händel et intercède auprès du père  pour que celui-ci accepte de faire donner à son fils un  solide enseignement musical. Auprès de Zachow, il apprend le clavecin, l’orgue, le violon et le hautbois,  et s’initie à l’harmonie, au contrepoint et à la fugue.
Cependant, la volonté du père reste un ordre dans l’esprit du jeune Händel, et après la mort celui-ci, il s’inscrira, en 1702, à l’université de Halle. Pas pour longtemps, car le destin en décide autrement.
Il a alors 17 ans quand, le 13 mars  1702, il est nommé organiste de la cathédrale calviniste de Halle, ce qui lui assure une indépendance financière et lui permet de tisser des liens durables avec Georg Friedrich Teleman. Pas comme avec son illustre contemporain Johann Sebastian Bach, dont il refusera une invitation.
En 1703, il s’installe à Hambourg.
Derniers séjours en Allemagne et années décisives en Italie
Cette grande et prospère cité est le principal centre culturel et musical de l’Allemagne du Nord. En 1678 y fut fondé le premier théâtre d’opéra allemand, l’ Oper am Gänsemarkt. L’opéra allemand cependant  est alors sous influence de l’opéra italien, et les livrets combinent italien et allemand. Händel  trouve un poste de claveciniste, peut-être grâce à Johann Mattheson, précepteur également chez l’ambassadeur d’Angleterre,  et avec qui il se lie d’amitié. Ils partiront ensemble pour Lübeck afin d’y rencontrer Buxtehude, le plus fameux organiste de son temps.
De retour à Hambourg, Händel donne des leçons de clavecin et compose de nombreuses pièces pour cet instrument, des sonates et les concertos pour hautbois. Les relations se tendent ensuite avec Mattheson, car Händel ne supporte plus son ton protecteur.
Son premier opéra, Almira, est une œuvre hybride, à l’image de ce qui se fait en Allemagne à cette époque : ouverture à la française, récitatifs en allemand, arias en allemand ou en italien, présence d’un personnage bouffon, mais dont la musique lui assure cependant un succès considérable. Son deuxième opéra, Néro, est par contre  un échec et cela contribue sans doute à sa décision de partir pour l’Italie, où il a été invité par un Médicis, le futur grand-duc de Toscane, rencontré à Hambourg.
Séjour en Italie
Ce séjour est décisif dans l’évolution de son style et de sa carrière. Il passe à Florence, Rome, Naples et Venise de merveilleuses années, y rencontre Corelli, les deux Scarlatti. Il participe à une joute musicale l’opposant à Domenico Scarlatti, claveciniste éblouissant, avec qui il restera lié par une amitié et une estime mutuelle indéfectibles. Les Italiens l’adorent et l’appellent : « il caro Sassone » : le « cher Saxon ».
A Venise, il aurait fait également la connaissance d’Albinoni et d’Antonio Vivaldi, et de plusieurs personnages influents, comme  le Prince de Hanovre dont il deviendra le maître de chapelle.
A Hanovre, il accepte le poste de Maître de Chapelle, tout ayant présent à l’esprit  que son patron deviendra un jour roi d’Angleterre. Il prend son poste  le 16 juin 1710, et obtient peu après un congé d’un an pour se rendre à Londres.
Il y sera présenté à la reine Anne et y rencontrera de nombreux artistes. Il composera, en deux semaines, la musique de Rinaldo, le tout premier opéra italien spécifiquement créé pour la scène anglaise. Sa réputation est assurée, mais il doit retourner à Hanovre à l’issue de son congé.
Il  compose des duos, de la musique instrumentale, s’ennuie fermement, et obtient, à l’automne 1712, la permission d’un second voyage à Londres .
Là-bas, il s’assure une position officieuse de compositeur de la cour, quand, le premier août 1714, le destin joue en sa faveur : la reine Anne décède, et son successeur n’est autre que son cousin, l’Electeur de Hanovre…qui devient roi sous le nom de George Ier.
Installation définitive en Grande-Bretagne
Handel (c’est l’orthographe qu’il a choisie) ne quitte plus l’Angleterre, où il sera naturalisé en 1726.
C’est un travailleur infatigable, il ne met que quelques semaines à composer un opéra ; il est connu pour ses colères, son impétuosité, et aussi sa générosité.
Il fera face également à tous les revers, et à la maladie qui ne l’épargnera pas, plusieurs attaques de paralysie du bras droit, en 1737 alors qu’il composait Alexander’s Feast ou « Le pouvoir de la Musique », et dont il fut miraculeusement guéri à Aix- la- Chapelle ; de  graves troubles de la vue en 1751  l’empêchent de composer, mais pas de suivre la production musicale et de modifier certaines de ses compositions antérieures. Il ne s’avoue jamais vaincu.
L’ère des  Royal Academy of Music
En 1720, le roi lui confie la direction de la première Royal Academy of Music. Cette société de spectacles par actions avait pour but de présenter à un public anglais des « opere serie », tel Giulo Cesare ; cependant, au fil du temps, et malgré la peine que se donne Handel pour recruter d’excellents solistes en Italie, les meilleurs castrats, l’opéra répondra de moins en moins au goût du public anglais.
La seconde, puis la troisième Académie sont financées sur les deniers personnels de Handel, mais elles connaîtront les mêmes vicissitudes : problèmes économiques, banqueroute financière.
En 1741, Handel compose son dernier opéra, Deidamia et se tourne résolument vers un autre genre, qui lui fera regagner la ferveur du public anglais :
L’oratorio anglais.
L’oratorio est une grande cantate à sujet religieux, parfois profane, pour solistes, chœurs et instruments, qui s’interprète sans décors ni costumes. Le public anglais apprécie ce nouveau genre, dont il comprend la langue.
C’est dans ce contexte qu’Händel compose en moins de trois semaines  et en anglais le  « MESSIE » « Messiah », en 1741, puis Samson, en un mois, Judas Macchabée, qui souleva l’enthousiasme du public avec son grand chœur.
Ces œuvres rencontrent le plus grand succès. Il composera 32 oratorios. Son étoile ne pâlira pas, avec la « Musique pour les feux d’artifice royaux », (for the Music Royal Fireworks), l’une de ses créations les plus populaires, composée pour célébrer le traité de paix mettant fin à la guerre de succession d’Autriche.
Le public apprécia dans ses oratorios son intérêt pour le côté humain, son jugement réconfortant qui aide à réconcilier l’homme avec son destin. Ils mettent en scène les grands héros de l’histoire, de la littérature et des livres saints.
Ses derniers oratorios nous invitent à une méditation sur l’orgueil, la jalousie, l’amour plus fort que la mort, la tolérance politique et religieuse.
Les Anglais firent de Handel un héros national. Belle revanche. Il s’éteignit le 14 avril 1759, le samedi saint, et fut enterré selon son vœu à l’abbaye de Westminster en présence de 3000 personnes.
Rendons nous aussi hommage à Haendel, à l’instar de ses pairs, de Joseph Haydn : « Haendel est notre maître à tous », à Beethoven : « Haendel est le plus grand, le plus solide compositeur ; de lui je peux encore apprendre » et à Liszt : « Haendel est grand comme le monde » et laissons-nous emporter par sa musique !